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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

monde très joyeux et cependant aussi choisi que possible ; mais Yette n’était ni raisonnable ni studieuse, les leçons l’épouvantaient d’avance, et, tout entière à ses regrets, à ses rancunes contre les Darcey, elle ne se souciait de faire aucune connaissance nouvelle.

Mme Darcey, sa fille et sa pupille, suivies de la da, furent introduites dans un long parloir, ciré au point qu’on y glissait comme sur la glace, et bordé de deux rangées de chaises. Le meuble principal de cette pièce était une sorte de monument en faïence blanche, que Yette prit pour un tombeau et qui était en réalité un poêle.

Après une attente de quelques minutes, la porte s’entr’ouvrit et une tête grise se montra, encadrée d’un bonnet de tulle à rubans. C’était Mlle Hortense Aubry. Plus d’une petite fille, moins prévenue que ne l’était Yette, lui eût trouvé l’air dur et rébarbatif, bien que, chez cette femme distinguée, le cœur fût au niveau de l’intelligence ; mais, vouée très jeune à l’enseignement, Mlle Aubry avait dû de bonne heure se faire obéir et imposer le respect ; elle s’était pour cela condamnée à porter une sorte de masque professionnel, que, l’habitude aidant, elle ne songeait plus à quitter. Un sourire froid découvrit des dents blanches, il est vrai,