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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

écartés, ses cheveux d’un blond fade lui donnaient une mine étrange. Le perpétuel ahurissement qu’on reprochait en outre à la pauvre fille pouvait bien être le résultat d’une maladie cérébrale, qui avait affaibli et engourdi ses facultés au point qu’elle était presque toujours la dernière de la classe. Les incessantes taquineries de ses compagnes augmentaient encore l’embarras de son maintien. En ce moment, néanmoins, la compassion pour des souffrances qu’elle connaissait trop fut plus forte que la timidité de chien battu qui la distinguait d’ordinaire. Elle osa traverser la classe, et, avec un craintif sourire qui, on ne sait comment, rendit à Yette quelque courage, lui prit le bras pour la conduire au réfectoire dont la cloche sonnait.

« Elles font bien la paire ! » dit à Mlle de Clairfeu Mlle Raymond.

Des quolibets accompagnèrent la marche effarée du malheureux couple jusqu’à la salle du réfectoire, située tout au bout d’une sorte de cloître extérieur, donnant sur la cour. Les élèves des classes supérieures avaient déjà répondu à l’appel de la cloche, et Yette se trouva, en entrant, au milieu d’une imposante assemblée de grandes demoiselles, dont plusieurs n’avaient pas moins de