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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

vailler et non moins impossible de la faire jouer avec ses compagnes. Elle ne consent à parler qu’à une seule.

— Laquelle ? demanda Mlle Polymnie.

— Héloïse Pichu, répondit Yette.

— C’est la fille d’un épicier du faubourg Montmartre, expliqua Mlle Aubry. Ses parents s’imposent de grands sacrifices pour lui donner une éducation dont elle ne profite guère.

— La fille d’un épicier ! » répéta dédaigneusement Mlle Polymnie.

Yette la regarda d’un air de naïf étonnement. Avant de quitter Saint-Pierre, elle était allée rendre visite à M. de La Falaise, le grand-père de Polymnie, dans son magasin qui se composait d’un comptoir poudreux, situé au-dessus du caveau noir où s’entassaient ses marchandises. Elle se rappelait l’odeur fétide qu’exhalaient la vieille morue, la mélasse fermentée, les caisses de savon et de chandelles. Sans doute c’était chose différente de vendre par tonne ou par litre, en gros ou en détail, d’être marchand de denrées coloniales ou épicier ; mais cette différence, l’ingénuité de Yette ne parvenait pas à la saisir. Elle n’osa rien objecter.

« Je désapprouve l’intimité de Mlle Yette et