Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

155
LA LETTRE.

— En allant à la chapelle, j’ai vu la boîte aux lettres entre la grande grille et le guichet. Dimanche je trouverai bien moyen de jeter ma lettre dans cette boîte-là, et le facteur qui l’ouvre tous les jours, à ce que tu m’as dit toi-même, la prendra.

— Ou bien nous serons prises nous-mêmes et grondées, dit Héloïse en hésitant.

— Comment cela serait-il possible, puisqu’on ne me verra pas ? Je suis bien adroite, va ! »

Héloïse fit encore quelques objections ; mais Yette la supplia, l’embrassa, pleura, si bien qu’elle finit par se laisser fléchir.

Nous ne reproduisons pas la teneur très incohérente de la lettre, qui ne ressemblait à aucune autre, mais où palpitait l’éloquence du désespoir.

« Ô ma petite Cora, disait à la fin Yette, interpellant sa sœur, tu ne sais pas combien tu es heureuse, ni comme il faut aimer notre maison, papa, maman, tout ce que je n’ai plus ! Si je ne les revois pas, je mourrai ! Dis-le bien à papa, prie-le de venir nie chercher. Maman ne demandera pas mieux, j’en suis sûre, et quand je serai chez nous, je te raconterai des choses qui te feront dresser les cheveux sur la tête. L’enfer dont parle M. le