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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

l’éleva doucement et tendrement, la faisant travailler dans l’intervalle des classes et la protégeant aux heures de récréation. Du reste, personne n’eut jamais l’idée d’infliger à la sœur cadette les mauvais traitements dont avait souffert la sœur aînée ; la situation des deux orphelines inspirait trop de pitié aux plus méchantes, et puis la jolie figure de Cora lui avait valu de devenir en peu de temps la favorite de la pension. Yette était obligée de veiller plutôt à ce qu’on ne la flattât pas trop, car la petite fille avait déjà une bonne dose de vanité. Mais si, contre tout précédent, cette nouvelle était choyée, fêtée, entourée de soins et de complaisances, c’était à sa grande sœur qu’elle le devait, bien plus qu’à son propre mérite. Yette s’était fait peu à peu une place à part au milieu de ses compagnes, auxquelles on la citait comme un modèle. Les malheurs qui étaient venus la frapper coup sur coup avaient impressionné toutes ces jeunes imaginations, tandis que le courage avec lequel elle les supportait devait nécessairement inspirer aux plus légères une sorte de respect. Mlles Raymond et de Clairfeu elles-mêmes subissaient cet ascendant, elles qui n’avaient fait aucun cas jusque-là de tout ce qui n’était pas la richesse ou la naissance. Or, on savait