Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

256
HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

habiller, car, si l’on n’y veille, jamais il n’aura rien à lui tant que vivra Marraine, qui du reste l’aime comme un fils. J’ai dessiné de souvenir le portrait de ce filleul modèle ; c’est à sa manière un joli garçon, bien que ses yeux n’aient pas de blanc. À peine voit-on, près de la glande lacrymale, quelque chose de moins noir que le reste du visage, une sorte de tache sanguinolente.

M. le curé, le jour où il nous a raconté la belle histoire de Mavongo, avait amené avec lui un autre prêtre, très amusant conteur, le curé du Gros-Morne. Tu sais que le Gros-Morne passe pour la Béotie de la Martinique. Le curé, nouvellement arrivé de France dans ce temps-là, prie un matin le jeune nègre qui le servait d’aller cueillir dans le jardin du presbytère un régime de bananes. Le nègre prend un coutelas et, pour avoir le régime, s’en va couper le bananier lui-même, qui était d’une grande beauté. Colère du curé, ignorant que le même tronc de bananier porte une seule fois des fruits et sèche ensuite, mais que, pour un que l’on coupe, la racine en pousse six autres. Le nègre se laisse gronder et va raconter partout aux Gros-Mornais que leur curé est stupide au point de ne rien entendre à la culture des bananes.