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JOURNAL DE CORA.

« Jamais ! répond l’autre ; tu n’as donc pas vu qu’au train dont j’allais, j’aurais coupé en deux l’îlot des Ramiers ? Dans quels embarras cela m’aurait mis avec le gouvernement ! J’ai mieux aimé faire capoter ma pirogue… »

Et l’îlot des Ramiers est surmonté d’un fort !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Le journal de Cora continuait longtemps sur ce ton de menus commérages ; sa plume alerte allait à travers champs, glissant de ci de là. Parfois Mesdélices, sa besogne terminée, entrait sur la pointe du pied et s’asseyait dans un coin pour écouter.

La lecture était interrompue par ses bons rires sonores, inextinguibles, chaque fois qu’il s’agissait d’un incident dont elle avait été témoin, d’une personne qu’elle connaissait. Quand, au contraire, revenaient les noms vénérés du maître et de la maîtresse défunts, elle joignait les mains et marmottait une petite prière ; le jour où il fut question d’elle dans un récit, elle perdit littéralement la tête et prit des airs d’importance comi-