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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

voyage à la Martinique ? Je pourrai dire à ma pauvre maman, sur sa tombe, que j’ai travaillé de mon mieux à la remplacer auprès de Cora.

— Et je veux, répondit Franz, je veux remercier sur cette même tombe tes chers parents d’avoir envoyé pour moi, dans notre vieille Europe, l’être accompli qui devait être ma joie et mon orgueil. Je veux remonter à la source de ta vie, retrouver là-bas toutes les années pendant lesquelles j’ai eu le malheur de ne pas te connaître.

— Ah ! reprit Yette, il me semble à moi que nous nous sommes toujours connus. Mais, puisque tu as ce désir, cher Franz, tu dois comprendre aussi que je désire moi-même voir ton pays, le village où s’est passée ta première jeunesse. Je sens que je t’aurais aimé alors, pauvre et ignore, comme je t’ai aimé heureux et célèbre, plus vite même, car l’affection de ta femme eût été alors ton unique bien.

— Devant celui-là, dit Franz profondément ému, tous les autres disparaissent. Oui, je te ferai connaître la vallée des Vosges, d’où je suis parti la poche vide un matin d’hiver, les grands sapins d’où pendaient, ce jour-là, tant de girandoles de glace. Je ne sentais pas le froid, je m’élançais vers l’avenir comme l’alouette vers le soleil. Nous irons