Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

35
LES ADIEUX.

Elle faisait une moue dédaigneuse et incrédule.

« Et puis, s’avisa de dire sa mère, affectant une liberté d’esprit quelle était loin de ressentir, nous irons la rejoindre avant la fin de son éducation. D’abord, nous lui enverrons sa petite sœur… »

Yette, à ces mots, l’attira vivement dans un coin où personne ne pouvait entendre, et là, fondant en larmes :

« Non, maman, dit-elle, je ne veux pas que Cora ait à son tour le chagrin que j’endure aujourd’hui. Me croyez-vous donc assez mauvaise pour me consoler en pensant qu’elle sera malheureuse, elle aussi ? J’irai en France, mais à la condition qu’elle ne vous quittera jamais. Quand vous l’amènerez ou quand je reviendrai, je lui apprendrai tout ce qu’on m’aura appris. Maman, je déteste les livres, mais je vous le promets, je travaillerai pour Cora. »

Mme de Lorme serra tendrement sa fille dans ses bras. Elle avait eu tort de craindre de la résistance, des emportements. Yette prenait son parti avec le courage du conscrit qui va au feu, tremblant dans l’âme, mais sans en laisser rien Voir. Elle était fière, elle était brave, et n’étant