Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

48
HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

Basse-Pointe. Il traverse un pays des plus pittoresques, mais aussi des plus sauvages et qui, sous les rayons diamantés de la lune, parut féerique à Yette, même dans la disposition désenchantée où elle se trouvait. Au fond d’une gorge formée par deux falaises coupées presque à-plomb, roulait la rivière du Macouba. Sous ces falaises se dessinaient de grandes voûtes semblables à des arcades naturelles. Les chevaux se tenaient au rocher comme s’ils eussent eu des griffes de chat ; ils ne parurent pas plus embarrassés que les nègres eux-mêmes sur les petits sentiers en zigzag, où un éboulement est sans cesse à craindre. Le moindre caillou qui roule donne l’alarme ; on longe, enserré entre deux chaînes de montagnes, le flanc du précipice ; puis il faut tantôt se tirer de ravins presque impraticables, tantôt franchir de petites rivières hérissées de roches grises, sur lesquelles les ponts ne durent jamais plus longtemps que d’un débordement à l’autre. Les nègres passaient à gué, bien que l’eau fut souvent très froide, quitte à se réchauffer ensuite par une accolade à la calebasse de tafia qui suivait avec les bagages. La planche, négligemment jetée d’une roche à l’autre, rebondissait comme un tremplin, ou même venait à chavirer. Dans le dernier cas, deux nègres repê-