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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

du haut duquel il grince des dents, en montrant aux chiens qui l’entourent sa redoutable mâchoire. Un nègre grimpe aussitôt dans les branches. Le manicou est un peu bête lorsqu’il se voit pris ; il manque absolument de sang-froid. Au lieu de gagner le haut du feuillage, de se suspendre au moyen de sa puissante queue et de défier ainsi toute attaque, il reste blotti sur une fourche où il se laisse saisir. On le muselle avec une liane, on lui attache les pattes antérieures derrière le dos, et on le prend par sa fameuse queue qui aurait pu lui rendre tout à l’heure si bon office.

Cette queue du manicou, la partie la plus singulière de sa bizarre personne, est dépourvue de poils et très dure ; il s’en sert pour pêcher ; à cet effet il la plonge dans l’eau. Quand une écrevisse la mord, il donne une secousse qui envoie le crustacé trop confiant sur la terre ferme. Le manicou n’est pas seulement pêcheur, il est chasseur aussi ; il fait sa proie du serpent, quand il ne lui en sert pas. Les deux ennemis sont-ils en présence, le serpent se dresse, prêt à s’élancer. Le manicou s’arrête, hors de portée, rassemble des feuilles sèches, des mousses, des brins de bois mort en tas devant lui ; quand ce tas est assez gros pour lui servir de bouclier, il le pousse et s’avance ainsi, sans offrir de