Page:Beowulf, trad. Botkine.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

phores : on appelait le héros l’aigle de la bataille, le seigneur des boucliers, le donneur du bracelet, le casque de son peuple, et son épouse était saluée du nom de belle elfe.

» Il se pourrait que quand le style de la nation se fut amélioré et transformé en une prose facile et correcte, l’usage de l’ancien style ait été conservé à dessein par les Scaldes, par habitude et par un sentiment de vénération dans le peuple. En effet, les nations conservent ordinairement pendant longtemps le souvenir de leur vieux style, d’abord à cause de l’air vénérable que lui donne son ancienneté (c’est ainsi que chez nous le dialecte et les stances de Spencer sont toujours agréables et souvent imités), puis parce que ce style a servi à rédiger des compositions populaires.

» Tels furent, d’après ce qu’on suppose, les humbles origines de la poésie anglo-saxonne : d’abord, les rudes exclamations d’un peuple barbare saluant ses chefs dans un langage peu raffiné, puis, la répétition ou l’imitation de ces exclamations par quelques hommes qui en dérivaient un profit direct. Quand, par suite du progrès des mœurs et de l’état du peuple, un style plus cultivé, — ce que nous appelons une prose, — fut devenu général, parce qu’il était mieux adapté aux usages de la vie, l’ancien style cessa d’être employé dans Les circonstances ordinaires. Les poètes cependant le conservèrent et se l’approprièrent parce qu’il assurait à leur profession de plus grands avantages. Afin d’en jouir d’une manière plus exclusive et de s’assurer le monopole de l’honneur et des présents, et aussi dans le but de rendre leur style encore plus inaccessible au vulgaire, ils y ajoutèrent de nouvelles difficultés, en sorte qu’à la longue leur style poétique devint pour toujours séparé de la prose.

» On ne doit pas croire qu’en considérant ainsi notre ancienne poésie comme un art mécanique que l’on cultivait principalement comme métier, nous pensions à la