Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/114

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somptueux des manuscrits, l’écriture d’abord, puis les ornements marginaux ou autres, lettres ornées, culs-de-lampe, vignettes, miniatures enluminées, dessins en couleurs, armoiries, et coetera. On recule à arrêter sa pensée sur la somme des talents de toute sorte dont se composait le génie babuineur ; encore ne parlai-je point de l’érudition qu’il y fallait universelle. Mais le prieur en avait à lui seul pour ses sept moines, et c’était comme un autre Alcuin guidant les siens à travers les ombres fulgurantes de la Bible sous l’œil impérial de Charlemagne.

Les peintres de mots étaient réunis, dès l’aube, dans une sorte de cloître à arcades, à ciel ouvert pendant l’été, abrité d’une verrière pendant l’hiver, qu’on appelait le « scriptorium », ou salle à écrire. Ils y avaient chacun leur pupitre, leur haut tabouret, leurs calames, leurs godets d’encres variées et leurs feuilles de papier de soie blanc et velouté, plus les compas, règles et équerres. Devant eux, sur un lutrin, le parchemin du modèle s’éployait. Au centre du scriptorium, sur une vasque d’eau vive, un cadran solaire, cirque des heures, en marquait la course dans un silence de Thébaïde auquel le P. Thierry de Matonville présidait, assis dans sa haute cathèdre en bois sculpté, et