Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/115

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le menton à la main, prêt à tout renseignement sur les textes et variantes, doux de sa science immense.

Les chroniques ne disent pas quels étaient précisément les six livres, chrétiens ou païens, monuments vénérables de la parole transmise et sauvés des barbares, que calligraphiaient les autres Bénédictins du scriptorium. Sans doute était-ce, selon toute apparence, la Bible d’abord, puis le traité de la musique de Boëce, et encore les ouvrages universels de Cassiodore, surnommé le « héros des bibliothèques ». Ils les transcrivaient doctement du gothique, sans ponctuation, ni interlignes, en jolis caractères arabes, avec des plumes affûtées comme des becs d’oiseaux, alternativement trempées dans les quatre encres : la noire, la rouge, la bleue et la verte. Celle d’or et celle d’argent étaient réservées aux armoiries et au nom de Dieu, quand il passait, rayonnant, dans les textes.

A Saint-Evroult, les déliés — d’ailleurs célèbres — étaient exécutés à la plume de vautour ; un Père, bon arbalétrier, en entretenait la provende.

Quant à l’encre rouge — ou rubrum, d’où rubrique, ainsi qu’on sait du reste — le saint prieur la faisait venir directement de la mer