Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/176

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mille, je m’éveillai père d’un enfant du sexe mâle, futur électeur et contribuable français, auquel le prénom de Théophile, tombé de l’Olympe avec lui, seyait comme couronne. L’état de mes affaires — voir : précarité dans tous les dictionnaires — ne laissait pas de mêler à ma joie conjugale certaine anxiété dont je vous épargne l’analyse, mais basée sur la conscience d’exercer un commerce si méconnu de la Rente, que dis-je, où le pain quotidien de la prière dominicale, déjà aléatoire pour un, problématique pour deux, propose au poète, pour trois, le syllogisme de la courte paille du petit navire. Il y eut donc sous mon crâne, tempête de méninges.

D’une part je n’avais pas à me dissimuler que les quinze louis mensuels dont l’État, symbolisé par le gros Wittersheim, Silène du Journal officiel, émoluait ma critique d’art, allaient suffire à peine pour acquérir, langes et barcelonnette, tout le trousseau du nouveau citoyen qui épousait la vie comme un doge l’Adriatique. À la voix stentorique dont il avait salué la lumière de son pays il n’y avait guère à se méprendre sur la lourdeur de la charge bénie dont l’honneur signait mes amours.

— Écoute, François de Sales, disais-je, et manifeste-toi, car c’est ta date hagiographique et commémorative. Ce poupon gargantuesque qui pèse ses douze livres et réalise à lui seul deux jumeaux, entre dans la voie chrétienne du salut sur le cri distinct de : à boire ! Cette onomatopée ne saurait tromper l’oreille d’un père, conscient de ses devoirs et docile aux ordres des dieux. Il t’incombe donc, saint de ma race, de m’aider à remplir le programme, tout le programme, du cri et de faire que cet « introduit à