Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/177

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la vie dévote » ait à la fois la coupe et la gamelle. Amen.

Et le patron m’avait répondu, de la Genève céleste : — Ne compte pas sur le gros Wittersheim ni sur le gouvernement.

La situation se compliquait encore de difficultés immédiates, nées de dissentiments d’ordre intime, comme le diable en sème, graine de zizanie, dans toutes les familles. Nous demeurions alors rue Rousselet, à quelques numéros de Barbey d’Aurevilly et à cent pas de l’ermitage de François Coppée, et nous occupions, à frais partagés avec la tante Carlotta, l’un des trois logis d’une boîte immense, toute en verre, plus propre à service d’orangerie ou d’atelier de photographe qu’à la tente patriarcale rêvée. L’architecte savant mais folâtre, de cet immeuble avait certainement combiné dans ses songes d’y unir la culture des ananas et celle des ours blancs ; l’équateur s’y battait avec les pôles, et c’était une joie d’enfant de voir les bonds de clown que le mercure y exécutait dans le tube thermométrique. — Viens en caleçon de bain, écrivais-je à Daudet, mais apporte ta fourrure.

Pour s’enticher d’un pareil habitacle, il fallait un poète, un peintre et une danseuse illusoirement unis dans le désir de partager les petits bonheurs et les grandes tristesses de ce monde. L’architecte avait trouvé plus fous que lui. Fouettée par les sauts vertigineux de température de la serre, la graine d’ivraie fleurit sa mauvaise herbe et le glas tinta d’une séparation dont les circonstances enfiellèrent un peu les adieux d’amertume.

Nous partîmes, le bambino sur les bras sans regarder en arrière et notre « fuite en Égypte » nous con-