Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/103

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— Et alors ?

— Et alors la mulâtresse s’avance, une éponge à la main ; elle se décrasse en scène, et l’on reconnaît Jeanne Samary, son visage frais, ses trente-deux dents de perle. C’est elle, disent les mardistes, et elle est sociétaire !

— Ouah, ouah, ouah, jappa Cadet, qui s’enfuit sans tourner la tête.

Ce fut pourtant lui qui m’offrit de porter La Nuit Bergamasque à Porel et qui la lui donna en effet sous le voile, que dis-je, sous la cagoule de l’anonyme. Et ici se place l’anecdote la plus amusante de mon périple de quarante ans à travers les théâtres. Comme je la tiens de Porel lui-même qui me la conta longtemps après, au Vaudeville, pendant les répétitions de Petite Mère, il n’y a pas à douter de son authenticité ni lieu de croire que je l’invente. Il avait été convenu avec Cadet que je lui confierais une copie à la machine et sans signature de la comédie boccacienne et qu’il la présenterait comme trouvée chez son concierge sans indication ni lettre d’envoi. On en arrive en France à de pareils subterfuges dans le commerce de la suprématie. Ils réussissent peu du reste et nous en fûmes, Cadet et moi, pour notre malice — et la copie. L’arrêt de Porel fut celui-ci. — Vous me voyez navré, mon cher Cadet. Pendant les bons trois quarts de cette œuvre, infiniment curieuse, je me disais avec ivresse : Enfin nous tenons le merle blanc, un grand poète comique ! Hélas, à la fin tout se gâte et s’effondre à la dernière scène. Navré, vous dis-je, et tous mes regrets. Je vous retourne le rouleau.

Un soir donc au Vaudeville, comme le dé de la