Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marqué de toute éternité du sceau de la direction ? Une pièce reçue et jouée est un phénomène sans exemple connu, la quadrature du cercle du monde dramatique, l’impossible, l’irréel et le rêvé ! Tout au plus peut-on imaginer qu’à la centième représentation la pièce se pare d’on ne sait quelle réception rétroactive et conventionnelle où le directeur n’est pour rien et dont il peut toujours se laver les mains en arguant d’une surprise. J’en sais des cas douloureux. J’en ai connu un qui, enrichi d’un million par un ouvrage indésaffichable, ne se consolait pas de s’y être laissé prendre. — C’est le déshonneur de ma carrière, gémissait-il.

Du reste il en est mort.

Mon vieil ami Fernand Samuel vous dirait lui-même qu’en me signant le bulletin de La Nuit Bergamasque, il avait succombé, par sympathie peut-être, à un accès d’aberration mentale identique à ceux que l’ébriété détermine. Peut-être aussi désirait-il embêter Briet et Delcroix, ses confrères, avec qui il était en rapports excellents. C’est la seule chance qu’un auteur ait au théâtre. L’embêtement où un directeur espère plonger un autre directeur est le critérium, de la vocation d’abord, et du flair ensuite qui la caractérise. Je suis assez modeste pour penser que je ne dus qu’à cet autre prurit de l’impresariisme le bénéfice illusoire de ce bulletin de La Châtre, qui m’a d’ailleurs rapporté la plus grosse somme que j’ai touchée chez feu Peragallo, soit sept cents francs pour deux simples copies, dont l’une destinée à la censure et l’autre au souffleur.

Ce qu’il y a d’extraordinaire dans cette aventure simple, c’est que, à peine mis en possession du ma-