Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/150

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ne fût-il qu’à l’état larvaire de plan, et, comme tout lui est papier timbré pour en signer bulletin, engagement ferme et traité, elle vit sur le pied de cent mille francs de dette forfaitaire avec la corporation des syndiqués dramatiques. C’est d’une bonté admirable, songez-y, que de ne pas se reconnaître le droit de priver les poètes d’une illusion, et, pour ma part je lui garde une gratitude sans bornes des cinq réceptions d’ouvrages, écrits pour elle, et que les dieux seuls l’ont empêchée de produire sous le lustre de ses théâtres. Les dieux, les dieux ; il n’y a que les dieux et tout le reste est aventure.

J’en eus bientôt une preuve nouvelle. J’avais reçu à titre de service de presse un fort beau livre intitulé : Aux États-Unis du Brésil, dont l’auteur. M. de Santa Anna Néry, Brésilien lui-même fervent et pratiquant, n’avait rien du rastaquouère de l’opérette, et était un fin Parisien de la décadence. Il vint me remercier de l’article que j’avais consacré à son ouvrage, et m’offrit même, « si ça m’amusait d’émigrer » de m’obtenir le plus aisément du monde, dans l’Amazone, vingt-cinq hectares de forêt vierge abondants en ficus elastica, ou arbres à caoutchouc, d’où il résulterait des rentes. — Le Brésil les donne à l’œil, me dit-il, et n’y mettra qu’une condition. — Laquelle ? — Celle d’enclore la concession, sinon de murs, au moins de palissades, à vos frais, bien entendu. — Il en avait de bonnes, le Brésil ! — Me faites-vous l’avance du prix des clous des palissades ? lui disais-je. Et comme c’était beaucoup de ferronnerie pour vingt-cinq hectares, j’avais délaissé la forêt vierge.

Mais M. de Santa Anna Néry ne se tint pas pour battu et s’ingéniait à vouloir m’être utile ou agréable,