Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/196

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quoi deux, n’est-ce pas, puisqu’il n’y avait qu’un mouflon ! Arrivé devant la caverne du prédiluvien je me couche à plat ventre pour étudier ses mœurs dans son intérieur ; du reste, je suis Corse, je ne tue pas en chambre. J’ordonne au chien de débusquer la bête. Loin de m’obéir, il s’assied à l’entrée de l’antre et se met à rire de la queue. Ce chien de rencontre était un chien de berger, il sympathisait. Si je l’en avais cru, le mouflon serait un mouton, et j’étais sûr du contraire. Pour m’en assurer, je fais feu de ma cartouche, et le mouflon s’enfuit. Pline dit qu’ils ont peur du tonnerre. C’était le premier que je manquais, mais systématiquement, ai-je besoin de vous l’apprendre ?

Je regardais Vincent Bonnaud et je commençais à comprendre. Le prince Roland avait là un idéal secrétaire avec qui il ne devait pas s’embêter.

— Cette remarque de Pline est un renseignement certain, le mouflon a peur du tonnerre, donc puisqu’il fuyait, c’en était un, et non pas un mouton ni une chèvre. Lorsque nous serons là-bas, en Corse, vous constaterez vous-même que sa femelle, la mouflonne, n’est pas plus brave. Elle avait immédiatement suivi le mâle et ils culbutaient tous les deux de roc en roc sur leurs cornes spirales, à perte de vue. Je n’avais plus qu’à recueillir les mouflonets à la mamelle et à les emporter à Sartène pour les élever au biberon. J’avais du ruban rose dans ma poche…

Et comme il s’arrêtait :

— Allez, allez, fis-je, je sens que je le ferai, le voyage en Corse, et je n’y veux d’autre guide et compagnon que vous. Continuez pour l’amour de