Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/202

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tacles de la nature, notamment aux pieds des montagnes. J’estime à cent et quelques le nombre des images du chasseur de mouflons prises dans les poses diverses de cette vénerie hyperbolique.

Le chiffre de mes portraits « ratant une aquarelle » est un peu moins considérable parce que le photographe ne les obtenait que par surprise et dans un mauvais éclairage. Mais celui dont les traits ne périront pas était le savant bibliothécaire du prince, Escard, toujours prêt à jouer les premiers plans et à orner de son sourire érudit les cimes, les vallées, les torrents, les ruines et les auberges qui justifiaient de quelque halte pittoresque. Cet excellent homme était unique pour la science aérométrique du vol d’oiseau. À n’importe quel arrêt, voire pendant la course, aux montées comme aux descentes, il disait infailliblement : — Nous sommes à « tant » au-dessus du niveau de la mer ! — Et c’était ça, car, quoique Gascon, il n’exagérait pas là-dessus ni en plus ni en moins d’un millimètre. — À quoi vous y reconnaissez-vous ? lui demandait le prince. — À la couleur de la neige, répondait le Périgourdin. — Et nous allions ainsi à travers villages et maquis, à l’aventure des routes, n’établissant des plans que pour y contrevenir, et pénétrant dans des coins inexplorés des Bædeker et des Joanne, à la façon des peintres et des zingaris, qui est la bonne. Le tourisme idéal est celui qui conduit à des lieux que le pied de l’Anglais n’a pas encore foulés. Ils sont rares, mais il en restait en Corse en 1887 et dont le prince Roland fut le Bas-de-Cuir, Vincent Bonnaud la Longue-Carabine et moi le Fenimore Cooper. Il s’y dresse probablement aujourd’hui des palaces hôtels suisses