Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/223

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lorgnette les maquis de la Pintica, je tirai encore de ma lyre quelques accords enthousiastes :

« L’aîné de ces vieillards, repris-je, le plus…, comment dire ?… le plus opéra-comique, Antoine, celui dont on parle dans le Guide Joanne, fit ceci : — il offrit, en 1870, à Gambetta, d’organiser à Ajaccio, pour la défense nationale, un bataillon de bandits corses !… Il se chargeait de l’amener tout équipé à Tours, à la condition qu’on lui en garantît le commandement. Pendant dix jours il se promena dans la ville, muni d’un sauf-conduit bien inutile, ô brigadier, et il buvait au café du Roi-Jérôme, à la santé de cette patrie française dont tout lui était cher, excepté les lois qui la régissent.

« Peut-être Gambetta eut-il peur qu’il exigeât la Légion d’honneur. Toujours est-il que, le sauf-conduit expiré, le vieil et vénérable Antoine regagna sa montagne la canne à la main. Depuis ce temps-là, il boude la République, dit-on. Il y a de quoi. À présent c’est lui qui mène les élections du canton, et pas un candidat ne passerait à la portée de son remington sans avoir été préalablement agréé par cette influence escarpée. Ah ! vous contemplez une belle cime, brigadier, elle est verte comme l’émeraude ! »

Le gendarme jeta sur moi un coup d’œil soupçonneux et tordit sa moustache.

« Vous m’avez l’air de savoir bien des choses sur les gens de là-haut, » grommela-t-il.

Et il cherchait dans toutes les cavernes, désespérément.

Ces illustres bandits sont en effet d’une popularité extraordinaire dans l’île, si extraordinaire que, en attendant les honneurs de l’opéra-comique, auxquels