Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/233

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Nous agitons de confiance nos chapeaux en l’air, qui dans un sens, qui dans l’autre. Deux détonations, venues on ne sait d’où, nous rendent notre politesse et nous souhaitent la bienvenue. Une mesure de tonnerre en do majeur ! Les chiens n’aboient pas. Ils sont dressés.

« Messieurs, déclare avec une certaine gravité notre jeune guide, au nom de mes oncles Jacques et Antoine, vous êtes nos hôtes ! »

Et il nous montre, debout à la fontaine, une vieille femme immobile qui nous regarde. C’est la femme de Jacques, l’aîné. Mais elle ne bouge point de la fontaine.

La femme en Corse n’est pas l’égale de l’homme, et elle ne le supplée point dans les devoirs de l’hospitalité.

Bientôt, nous la voyons disparaître, une cruche sur la tête, et se perdre dans l’épaisseur du maquis.

Sur le seuil de la maison (celle de Jacques), une fillette de cinq ans à peine est le premier visage qui nous sourit. Les deux chiens sont plantés à côté d’elle, et elle les caresse en silence. Ils sont les seuls joujoux, peut-être, que la petite ait jamais eus, et ils ont l’air de le savoir.

Tandis que l’on décharge le mulet, nous pénétrons dans l’habitation.

Marthe nous y a précédés, et une poêle au poing, elle est déjà occupée à y préparer une omelette.

« Ah ! Monsieur, soupire-t-elle, que votre pipe est bonne !…

Merci », lui dis-je. Et je lui serre la main.

Deux éclats de rire de jeunes filles partent du fond ; je me retourne, et… je comprends alors pourquoi