Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/243

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Sous les broussailles, une rumeur chuchotait, c’est le mot, pleines de fuites, de réveils subits et d’alertes, et du sol, drapé de ronces et d’orobanchoïdes, une émanation puissante de résine, mêlée à l’arôme de l’encre de Chine, me montait au cerveau et m’étourdissait.

C’était la sève des térébinthes qui débordait des troncs et parfumait abondamment la terre.

Je dus courir et gagner la route pour échapper à l’enivrement.

Mais là encore l’odeur mâle me poursuivait, et j’allumai une pipe d’herbe corse pour la combattre.

L’herbe corse est une espèce de tabac grossier, particulier à l’île, d’une violence excessive, que les bergers fument au grand air dans de longs calumets de merisier. J’en avais une poignée dans ma poche.

Le remède, toutefois était pire que le mal, et un autre engourdissement allait me saisir.

Je me dirigeai donc à la clarté stellaire vers un petit étang dont la plaque d’argent miroitait entre des jujubiers, des palmiers sauvages et des épines, et, m’étant imbibé les tempes et les narines d’eau glacée, je passai là les dernières heures de la nuit.

L’aube parut bientôt, effaçant les étoiles, puis l’aurore, qui colora de rose tendre les dessous de la forêt.

Les cyclamens se rouvrirent, la mare se prismatisa comme un cœur de tulipe, et sur les premières pentes du monte d’Oro je vis le prince escalader, entre ses deux guides, les brouillards transparents du maquis.

Petite auberge de la Foce, tout enguirlandée de cyclamens, fleurs favorites de George Sand, au plaisir de te revoir ! Que Dieu veille sur les bonnes