Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/81

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Je vous connais, vous adorez la littérature et vous avez craint d’être obligé de ne plus vous tuer à la copie. Si ce n’est pas ça, voici. Le munificent est un vieillard solitaire et sans famille, il se sera laissé capter par une servante maîtresse qui vous a supplanté. Il fallait courir à Smyrne au reçu de la lettre. Il vous attendait !…

J’avais totalement oublié « l’oncle de Smyrne » — nous le désignions sous ce nom homérique en famille — lorsque les hasards de la vie parisienne me mirent en rapports avec le docteur ès occultisme Papus, alors dans le plein de sa prédication théurgique. Je ne demandais qu’à me convertir à la magie, quoique, dans un premier essai d’initiation, à Genève, le célèbre Home m’eût trouvé le nez parafluide. Un poète qui ne serait pas un tantinet spiritualiste ne serait pas un poète. Je me prêtai donc d’autant plus volontiers aux épreuves de Papus que ce sorcier est le plus aimable des hommes d’esprit et qu’il a le sabbat discret. Il m’avait amené un jour un médium fort curieux en ceci que, maladif, et faible à ne pas tenir debout, il semblait un écorché vivant et attestait en outre d’une ignorance de troglodyte. — Il ne sait ni lire ni écrire, me dit Papus, c’est, à l’éveil, l’Agnelet de Pathelin, il n’oppose à la vie que le bée moutonnier de l’homme sauvage. Mais sa puissance de seconde vue en laisse à la fable du lynx. Du reste que voulez-vous savoir ? — Et d’un seul regard il l’endormit sur un canapé. La fille de Théophile Gautier était allée prendre la lettre dans son secrétaire et elle l’avait remise sous son enveloppe jaunie au sujet hypnotisé : — Qu’y a-t-il là-dedans et que voyez-vous ?