Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/125

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relever le défi de la fresque et que Puvis de Chavannes lui-même y cane et y maroufle.

C’est dans la peinture à frais, aquafresca, que le concept impose une exécution aussi immédiate qu’intrépide. Glaize le Vieux les menait de front, ayant le cerveau et la patte. Il eût décoré le Mur de la Chine.

Sa double force était, en outre, fécondée par une philosophie socialiste, extrêmement curieuse, où il élargissait sa recherche, et qui lui était reprochée par les esthéticiens purs, et même par Théophile Gautier. Il avait été horloger dans sa jeunesse et, à Genève, il s’était imbu des théories proudhoniennes et surtout fouriéristes. Il y mêlait une sorte de gouaillerie particulière, empruntée à Voltaire, dont le Dictionnaire philosophique était son livre de chevet. Rien de plus amusant, le soir dans son atelier, où nous nous réunissions pour tailler bavette, que de l’entendre accommoder les gaietés de la Bible à la sauce encyclopédique. Son imagination bousingote en laissait au Citateur de Pigault-Lebrun.

La seule aventure publique par laquelle il sortit bien malgré lui de l’ombre discrète où il maintenait sa vie, fut celle qui lui advint lors de son tableau Le Pilori. Cette toile, de dimensions énormes, lui avait été inspirée par quatre vers fameux de Béranger sur le martyre éternel des bienfaiteurs de l’humanité. L’idée de grouper sur la plate-forme d’un pilori tous les héros du Bien à travers les âges signait et résumait sa manière philanthropique et décorative, qui ferait fureur aujourd’hui. Il avait assemblé sur les tréteaux d’infamie Homère, Dante, Cervantes, Jeanne d’Arc, Christophe Colomb, Salomon de Caus, Denis Papin, Jean Huss, Étienne Do-