Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/158

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Et il se leva pour nous congédier.

— Oui, vinssent-ils de Frodshorff !… Je dirais au roi Henri : « Rentrez dans votre Paris, j’aime mieux la prose, oh ! gai, j’aime mieux la prose. » Au revoir, jeunes gens.

Et il nous remit à l’escalier, que nous descendions un peu béjaunes, lorsque, du palier, une voix éraillée nous jeta :

— Rappelez-moi au souvenir de madame votre mère… Et vous, le barde bardant, allez donc voir mon gendre.

— Lequel ?… fis-je.

— Le moins em…t, celui qui n’écrit pas !

Telle fut ma première visite à cet homme admirable qui se serait fait tuer pour son roi, mais ne lui aurait pas pris de vers dans son papier, fût-ce au pied de la guillotine, des mains de l’abbé Edgeworth !


J’allai donc voir le gendre qui n’écrivait pas. Il avait nom : Bourdin, et il demeurait au boulevard Beaumarchais, d’où il dirigeait la publication succédanée du Figaro hebdomadaire à huit pages, littéraire.

À l’encontre de son beau-père, si rébarbatif aux porte-lyres, l’excellent Bourdin, fin lettré d’ailleurs, raffolait des jeux du Pinde. Pas un numéro du Figaro du jeudi qui n’offrît son bouquet de rimes à la clientèle. Les plus huppés d’alors à l’exercice, Théodore de Banville, Ernest d’Hervilly, Sully-Prudhomme, Catulle Mendès, Alphonse Daudet, Paul Arène, et bien d’autres encore, s’y encadraient entre les chroniques, fantaisies, critiques d’art, contes et récits des Henri Rochefort, Aurélien