Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/174

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mouture, les succès de la rive droite, avant la province, et d’être le premier à les décentraliser.

Lancé par la réussite même, il vint à Cluny, près des Thermes de Julien, en acquit le boui-boui, temple de Momus, et il y donna des nouveautés (oh ! le fou !) littéraires. Il comptait sur les étudiants du Boul’Mich’. C’était en 1866. À cette époque, les traditions scolastiques du mont Sainte-Geneviève perduraient encore parmi les clercs de nos Facultés. Il bourdonnait un bruit d’abeilles autour de la Sorbonne, grande ruche d’humanités.

Larochelle donc s’ingéra d’offrir à la jeunesse des Écoles un petit Odéon de poche, moins solennel, plus libéral, où il y aurait des batailles intellectuelles et des « chahuts ». Pour commencer, il alla droit à Félicien Mallefille, vieux quarante-huitard impénitent, sorte de Félix Pyat plus romantique, qui lui confia Les Sceptiques, fort bel ours de sa ménagerie dramatique. Je n’ai pas besoin de vous dire que Les Sceptiques avaient été refusés, sur le seul nom de l’auteur, par toutes les directions de notre Athènes moderne, et que, par conséquent, le succès en fut énorme.

Le truc est infaillible. Antoine lui doit sa fortune. Mais il ne l’a pas inventé, il l’a tout uniment repris de Larochelle. À qui le tour ? Qui veut le million en cinq ans ?

La chasse à l’ours est, a toujours été et elle restera jusqu’à l’extinction des trente-six chandelles de la rampe, le seul recours sûr des montreurs de spectacles. Mais le fabuliste a tort dans sa fable : ici, on peut en vendre ou acheter la peau d’avance, c’est de la fourrure de première qualité.