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leçon. Croyez-moi : laissons les statues des Césars devenir ce qu’elles pourront et que les généreux esprits comme le vôtre se tournent vers le peuple et vers la liberté.

« Victor Hugo ».


L’événement était considérable. Il révolutionna, maîtres, élèves, et répétiteurs, toute cette pension Favart, la plus avancée des pépinières intellectuelles du Marais. Après que la lettre eut passé de mains en mains, il fut décrété par mode tumultuaire qu’elle honorait la pension entière et que, par conséquent, elle lui appartenait. Encadrée à frais communs, à titre de monument autographique, elle fut mise en tombola, et gagnée par un camarade, nommé Émile Collet, qui, du coup, s’en réveilla collectionneur et bibliophile. Il devint plus tard un fort avoué de Paris et j’ai encore revu, avant sa mort, « ma lettre », sous verre dans son cabinet d’étude.

Or, sept ans après, en 1870, à un dîner chez Victor Hugo même, rue de Clichy, j’appris à n’en pouvoir douter, puisque c’était de la bouche du poète, que la lettre sacrée… était fausse !

— Je me rappelle, me dit-il, avec sa haute politesse olympienne et distraite, oui, je me rappelle parfaitement avoir entendu lire, un soir à Guernesey, par Mme Drouet, ici présente, des vers excellents sous votre signature, déjà brillante, mon jeune confrère ; mais si vous avez reçu de moi une lettre à ce sujet, elle doit vous être, en effet, bien précieuse, car elle est de Mme Drouet elle-même et c’est elle que vous devez en remercier !

Certes, Pyrrhus, roi d’Épire, ne dut pas être plus