Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/270

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Noisy-le-Sec, et je ne voulais pas croire que j’avais vu, me l’avouer, ni surtout le dire.

Oh ! le dire, à ce père, si dégradé fût-il. Enfin, je pouvais me tromper, la nuit étant noire, épaissie encore par le rideau de la pluie.

Le bouge, cabaret borgne en bas, était, en haut, l’un de ces garnis inclassables et propres à tout, logement de jour ou de nuit que le nom d’hôtel et un écriteau dédicatoire : Lion d’Or, Cheval Blanc, etc…, soustraient aux visites régulières de la police. L’étage supérieur, sans cloisons, s’y disposait en dortoir de huit couchettes accotées, dépourvues de tous rideaux comme de meubles de tout usage, à la tête desquelles, sur le mur, des clous à crochets jouaient le rôle de patères.

J’avais, en la soldant d’avance, obtenu du tenancier, location d’une de ces couchettes.

— Il m’en reste une, ce soir, m’avait-il dit, en m’indiquant l’échelle de meunier qui y donnait accès, vous la trouverez bien en tâtonnant, car je ne fournis pas la chandelle.

— Mais si je réveille, en la cherchant, les sept occupants des autres lits ?

— C’est votre affaire, arrangez-vous, je ne me mêle jamais de ce qui se passe au « salon » entre ces messieurs et ces dames. On a payé, on est chez soi, dans son plumard.

La découverte du lit plumard par le système du jeu de colin-maillard était l’un des charmes de cette hôtellerie du plaisir. Elle me pronostiquait la joie, comble de cette nuit d’allégresse, de sept engueulades probables, ornées de horions hypothétiques, dont, seul, le génie du Petit Poucet, tâtant les