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l’escalier et n’eus que le temps de m’équilibrer à la rampe. Le bon Jules Thiénot attribua sans doute la défaillance au trouble que j’avais dû ressentir de sa sévérité.

— Allons, donnez-moi ça, fit-il, en prenant le manuscrit dans ma poche.

Et voilà comment, ô destin ! de sauvé que j’étais je fus perdu ! Pendant quarante ans, la blonde Thalie allait me jeter à la brune Melpomène, et réciproquement.

Je m’étais abîmé dans le programme du baccalauréat comme un ermite, hanté de visions diaboliques, s’abêtit à labourer la terre aux ronces dures. De ma chère pièce aux doux rêves de gloire, plus de nouvelles. Je n’en demandais pas. Elle était condamnée, elle devait l’être, par le silence même de mon juge. Jules Thiénot ne m’en soufflait mot, et je remarquais, le cœur serré, qu’il affectait, pendant les « Batailles d’Arques » de ne me confier aucune position stratégique, même comme sergent de lansquenets. Une telle réserve était plus que significative, elle était concluante : je n’étais pas né pour le théâtre.


Un jour, vers la fin de juin, la classe d’histoire terminée, le professeur-comédien qui venait d’arpenter devant nous toutes les routes royales dont Sully a doté la France, m’appela à sa chaire :

— J’ai une lettre pour vous, me dit-il, la voici ; allez la lire à votre mère.

Sans plus attendre je l’ouvris dans la cour, c’était un bulletin de lecture à la Comédie-Française !

Dire l’émotion dont ce papier imprimé et libellé