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malheureux peuple vaincu, rançonné, démembré, qui englobait tous ceux de sa famille dans la même malédiction. Ils avaient été, du reste, aidés à cette besogne par Alexandre Dumas fils, qui joua, en cette circonstance, le même rôle que Victorien Sardou auprès de l’impératrice dans sa fuite des Tuileries.

Ne trouvez-vous pas qu’elle est amusante, l’intervention de l’art dramatique dans cette tragédie de Sedan dont, là-bas, sur son roc, Victor Hugo avait été dix-huit ans le Jérémie ? Comme son frère, le prince Napoléon, fut l’enfant terrible du régime, Mathilde-Lœtitia en fut le charme et la muse. Elle inspira des dévouements absolus et elle mena jusqu’au tombeau un chœur d’amitiés infaillibles. Elle est la figure la plus intéressante du Second Empire, et celui qui écrira sa vie écrira le roman de cette singulière aventure.

À l’époque où je lui fus présenté par Théophile Gautier, elle venait à peine, grâce à M. Thiers, de réintégrer son cher Saint-Gratien où d’ailleurs elle put terminer ses jours, malgré l’édit d’expulsion contre les princes de familles ayant régné, et par une faveur tacite qui était un plébiscite de la raison française. Elle revenait de Bruxelles, entre ses deux terre-neuve, Popelin et Giraud, et elle avait retrouvé, dès l’arrivée, sa cour d’artistes et de poètes reformée d’elle-même et sous les armes. Il n’y manquait que ceux que la mort lui avait pris.

Un bruit courait alors, dont, comme eût dit Sainte-Beuve, il ne m’appartenait pas de faire état, selon lequel elle avait, pendant son exil, épousé morganatiquement Claudius Popelin, qui avait ainsi trouvé le moyen de tourner l’édit d’expulsion et de lui rou-