Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Laurent, et vieil ami de la famille. Gautier ne put se rendre à l’église qu’en chaussons fourrés, car il avait déjà les pieds et les jambes gonflés par l’albuminurie, mais il ne voulut point s’asseoir et il entendit la messe debout, les yeux perdus dans une rêverie qui ne parut de bon augure à personne. On avait, du reste, oublié d’apporter à l’officiant l’acte civil du mariage, et pendant que Maurice Dreyfous courait le chercher sans savoir où, car il avait été, la veille, jeté à l’aventure dans la corbeille à papiers, ou ailleurs, le prêtre fit jurer à nos témoins qu’ils l’avaient vu, touché et même signé, et que par conséquent nous n’en avions pas lésé la République. On le retrouva, bien entendu, dans la poche même du poète, pendant le déjeuner dînatoire qui suivit l’office. Cujas en avait fait crédit à Jésus.

Ai-je besoin de vous dire qu’à ce déjeuner dînatoire il ne manquait pas un camarade des années d’apprentissage ? Les peintres de la rue de Vaugirard étaient venus en tapissière, amenant avec eux la maman Glaize et le vieux maître du « Pilori ». Il n’était pas jusqu’à la mère Labit, notre ravitailleuse du siège, qui n’eût voulu assister, de la cuisine, à la fête hyménéenne.

On avait dressé deux tables, l’une dans le salon, au milieu des tableaux, pour les membres des deux familles ; l’autre dans la salle à manger, pour les jeunes de la bohème. D’abord intimidés par la présence de l’homme illustre qu’était leur hôte, ils se tinrent sur la réserve la plus correcte et la plus déférente. Ce fut Gautier lui-même qui les mit à l’aise, ne craignant rien tant que d’être traité en mamamouchi, et plus encore en notaire. Et la coupe au poing,