Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/60

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facéties et de calembredaines, n’auront pas de peine à imaginer l’énorme joie pédagogique dont ma réponse le secoua des pieds à la tête.

— Ah ! ah ! ah ! tu sais les retrancher, les « que » ? Voilà ce qu’ils t’ont enseigné, les Révérends Pères ! Et que fais-tu des « que » que tu retranches ?

— Eh bien ! répliquai-je spontanément, je les rends à la langue française.

Et ce fut ce trait, paraît-il, qui me le conquit.

— Le fait est qu’elle en consomme, soupira le futur lundiste, qui s’essayait déjà dans les journaux de province.

« Allons, c’est entendu, nous commencerons demain. Apporte les Catilinaires. »

Telle fut ma première rencontre avec l’homme, d’ailleurs excellent, qui, quinze ans après, se crut obligé de devenir mon critique le plus sévère et de m’appliquer à tour de bras la loi du : Qui bene amat bene castigat. Je me porte garant de sa sincérité.

Pendant ces vacances de 1859, le jeune professeur habitait chez ses parents, à la pension même. Il y trouvait le double avantage de vivre un peu avec les siens, d’abord, et de voisiner, ensuite, avec Edmond About qui occupait alors un pavillon de l’Enclos des Ternes. L’auteur de Tolla revenait de Grèce et sa gloire naissante était l’étoile autour de laquelle gravitaient, en satellites, tous les voltairiens de l’École Normale. Il les menait à la guerre contre les hugolâtres et il préparait son camarade au rôle d’hoplite qui convenait le mieux à ses dons de nature.

C’était au retour du marché, le matin, qu’à la suite de sa mère et de sa sœur, je venais répéter chez le maître. Je le trouvais assez souvent au lit, lisant Le