Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/70

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d’œuvre » qui fleurit de cette union, et peut-être est-il enfoui dans les archives du théâtre. Il fut lu au comité, refusé, et c’est de là que mon collaborateur partit pour la fortune. Il l’a faite rapidement, comme on sait, et dans tous les genres de travaux dramatiques auxquels il s’est adonné, vaudevilles, opérettes, ou poèmes lyriques.

Nous formions, en ce temps-là, avec Paul Déroulède, un trio d’inséparables.

Neveu d’Émile Augier et son véritable fils intellectuel, Paul Déroulède avait alors vingt ans et il n’en était encore, ainsi que nous, qu’au tâtonnement de la vie. Il s’essayait dans la culture du laurier amer, dit : des poètes. Chacun des inséparables avait eu son acte en vers, début et promesse de gloire, représenté à la Comédie-Française. Celui de Paul Déroulède s’appelait : Juan Strenner ; celui de Paul Ferrier : La Revanche d’Iris ; et le mien, — je vous l’ai conté — Une Amie. Et nous allions ainsi, en nous tenant par la main, vers l’avenir, heureux, allègres et robustes, en 1868.

Le futur chantre du Soldat français marchait déjà à notre avant-garde, clairon au bec. Tel il est resté, tel je le vois encore, délibéré et hautain, arriver chez moi par la rue Jacob, à grandes enjambées d’un mètre et escalader trois à trois les marches de la rampe ébranlée de l’hôtel. Ses visites n’étaient jamais longues, le temps au plus d’un sonnet ou d’une ballade, et puis il s’en allait à ses amours. Elles s’incarnaient alors en une comédienne célèbre, d’une beauté radieuse et d’un esprit héréditaire dans la famille, mais auquel elle en ajoutait encore. Leur liaison n’était un secret pour personne, même pour