Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/85

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— Car, tu sais, c’est comme ça, maintenant, que ça s’appelle. Il y a un médecin tourangeau qui vient de découvrir que les amoureux sont une variété de fous, le fou persécuteur, Roméo persécute follement Juliette et Paul s’acharne sur Virginie. Ça la coupe à George Sand.

Et il me fit lire, en effet, dans un journal, la thèse de ce docteur qui avait nom, je crois, Moreau de Tours. Elle concluait à l’encellulement charentonnesque des insanes d’Éros.

— C’est un sujet de pièce épatant. Je te le donne.

— Non, fis-je, illuminé d’une idée providentielle, fais-la toi-même.

— Qui ? moi ?… Je ne sais pas faire les pièces.

— Tu n’es donc pas Français ? Tout Français contient un Scribe. Va donc.

Et l’ayant installé devant l’encrier, je pris mon chapeau et ma canne et m’encourus quai de l’École.

— Ne voyez pas le patron, me dit le fidèle Toussaint, il est d’une humeur de dogue. Il vient de se prendre de bec avec M. Laboulaye, qui nous lâche. Il crie que tout le monde l’abandonne. Ah ! si M. Georges savait s’y prendre ! Ce serait le bon moment peut-être. Dites-lui donc de faire paraître quelque chose dans un journal, sous sa signature. Un article de lui, voilà qui avancerait bien les choses. La vérité est qu’il le croit incapable de lui succéder dans l’édition, car, au fond, il l’aime, je vous le garantis, et il n’est pas plutôt parti qu’il le regrette. Oh ! un article, un seul, signé Georges Charpentier, un matin, au réveil, l’effet est sûr.

— Il fera mieux, promis-je au bon nègre en lui pressant la main.