Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/86

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Par un concours de circonstances exceptionnellement favorables, il se trouvait que la pièce rendue par le Vaudeville était reçue au Théâtre-Cluny par Larochelle. Mis en goût par le succès des Sceptiques de Mallefille, puis des Inutiles d’Édouard Cadol, il cherchait des ouvrages littéraires et il s’était entiché de mon Père et Mari, qui lui semblait propre à continuer la veine. Il était dans l’heure de foi, dont il faut profiter quand elle sonne au cadran fantasque du théâtre. C’était d’ailleurs le meilleur des hommes, et il ne fut ni long ni difficile d’obtenir de lui ce que j’en désirais.

— L’un de mes amis, lui glissai-je, vient de terminer un acte délicieux, de vingt minutes à peine, qui compléterait idéalement notre affiche, puisque Père et Mari n’a que trois actes, et vous seriez malin entre les futés si…

— Entendu, interrompit-il en riant sous le lorgnon, envoyez-moi ça demain matin.

De retour au pavillon Turquet, je n’y trouvai ni Bistu ni Zizi, qui étaient allés se promener au Bois de Boulogne, l’un pour distraire l’autre, et aucune neige des cimes n’est aussi blanche que n’était le papier devant lequel j’avais laissé mon camarade.

Il fallait pourtant l’écrire, cette charmante Folie persécutrice, puisqu’elle était reçue d’abord et puisque Larochelle l’attendait le lendemain matin. De telle sorte que, Molière malgré lui, Georges Charpentier, toute la nuit, me la dicta.

Et le jour de la première vint. La salle du Théâtre-Cluny, toute petite et lointaine, réunissait un auditoire d’élite. Outre l’Oncle redoutable et déjà revêtu de son « avunculat », toute la critique militante de