Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/133

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de la vie et à des pénitents blancs des calvaires artistiques, ce ne sont vraiment point des « gestes » à mesurer à si haute taille philosophique. « Qu’est-ce, — me dit-il une fois que je l’y surprenais encore — qu’est-ce que de donner sa bourse à qui vous demande la vie ! » Il se mit à rire en laissant tomber comme une larme, cette goutte de parisine.

Malgré le rayonnement de son immense crédit, qui, dans les théâtres, confinait à la toute-puissance et peut-être à cause de cet esprit terrible qui fut comme le cave canem de son seuil, il est fort remarquable et fort admirable, selon moi, que Dumas n’ait jamais eu ni cour littéraire, ni salon académique, ni grenier. Il n’avait pourtant qu’un mot à dire pour se procurer cette perte de temps et cette vanité. Mais il ne recevait que ses chimères. Là encore s’atteste cette vertu de bonté dont l’attitude symptomatique est l’isolement. Pour demeurer bon, il faut rester seul ; pour aimer le genre humain, il ne faut pas voir d’hommes. On les imagine béatifiables à ce prix. C’est un grand signe de désespérance que de se répandre, et c’est l’heure du fatalisme celle où on laisse sa porte ouverte sur la rue. J’ai toujours remarqué que les égoïstes pratiquants, j’allais dire militants, qui sont les vrais méchants de l’idéal « combat-pour-laviste », ont horreur de la solitude et qu’ils doivent, pour se rassurer, frotter leurs « moi » aux « moi » des autres.

Je partirai avec une génération qui aura cru au vir bonus du poète, et qui en aura connu des modèles.