Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/158

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maîtres. Il venait de trouver la formule de ce vers pédestre dont la familiarité bon enfant cache une dextérité prosodique de virtuose et il était entré dans les masses profondes comme aujourd’hui Edmond Rostand triomphe par la maîtrise du vers picaresque.

Ce qu’il y a de plus difficile au monde pour celui à qui a souri la fortune c’est de demeurer simple et bon sous la couronne de lauriers. François Coppée avait cette grâce. Il lui dut d’être universellement aimé. Jamais il ne se mettait, lui ni son œuvre, sur le tapis, et nul ne fut plus accessible aux efforts, plus compatissant aux déceptions et plus indulgent aux fautes de ceux que marque la déveine. Le plus sévère de ses jugements, même quand il fut critique dramatique à La Patrie, ne dépassait pas l’égratignure légère d’une réserve. Comme celles de Banville et de Gautier, sa férule était de velours.

Un jour, chez Lemerre, il me prit sous le bras et m’entraîna dans le passage. — Venez, que je vous dise… Et nous péripatétiquâmes. — Vous avez la fureur des néologismes et je ne les aime pas toujours. Mais dans votre dernier feuilleton (j’exerçais moi-même le sacerdoce sarceyen) vous en avez trouvé un que je vous envie. — Lequel, cher ami ? — C’est à propos de la mauvaise féerie de X et Z, à la Porte-Saint-Martin. — Eh bien ? — Après en avoir résumé l’ânerie en dix lignes, vous concluez en poussant ce cri de détresse ! j’incompète ! Oh ! ce : j’incompète, prêtez-le-moi, vendez-le-moi, il est trop beau pour un critique seul.

Et je le lui offris sous la condition que, dès qu’il