Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/214

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vertus et des défauts de la race, et leur opposition était la bonne peut-être, l’efficace, celle qui réveille comme un sifflet de fifre, la Liberté des engourdissements du pouvoir. Un bon mot d’eux valait mieux et faisait plus, parfois, que les émeutes brutales de la masse ; ces Warwicks de la royauté parisienne travaillaient à leur manière à l’œuvre de la justice, car ils étaient fort bonnes gens, et ils ne se donnaient du « neveu de Voltaire » que s’ils avaient défendu leur Calas. Les voilà dispersés par l’invasion béotienne des millions internationaux, et, débusqués de leurs boulevards chéris, ils errent sans asile à travers les brasseries universelles d’où ne s’échappent plus aucuns rires. Ils entendent, dans tous les dialectes du vieux monde, et du nouveau aussi, les hommes modernes gémir leurs plaintes sociales et pleurer leurs angoisses, ils sont environnés de bêtise, de tristesse, et ils s’en vont ! Adieu, sages de ma race et de mon pays ! L’esprit a fait son temps et joué son rôle, et voici fleurir le vingtième siècle, âge pratique et ère du médiocre, où deux et deux feront implacablement quatre en toutes choses. Déjà les cicérones montrant aux voyageurs le boulevard devenu le ghetto idéal, s’écrient du haut des tapissières d’agence : anciens jardins d’Académus et ex-nombril du monde !

Celui qui écrira l’histoire du boulevardisme n’aura guère à l’incriminer que de deux erreurs qui, d’ailleurs, n’en font qu’une : un patriotisme un peu étroit et un goût prononcé pour la centralisation. Mais la liste seule des services qu’il a rendus au progrès, à la liberté et aux arts, ne sera pas le chapitre le moins long du livre, et je ne parle même pas de la