Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/293

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positions se prêtaient le mieux à réaliser le désir paternel était Paul, le futur décorateur de l’Opéra ; aussi lui avait-on mis tout de suite un violon entre les bras.

Je n’ai jamais entendu Baudry jouer du violon et je crois que peu de ses amis ont été plus favorisés que moi. Il m’est donc impossible de dire quel rival la peinture a enlevé à Paganini et de quel archet est fait le pinceau du maître. Toujours est-il que, sous la direction d’un professeur nommé Depas, le petit Vendéen ne tarda point à devenir un habile exécutant, et que M. Baudry le père commença à sourire à l’avenir de virtuose qui se dessinait pour son fils avec une vague perspective de Conservatoire. Paul n’avait pas encore 13 ans révolus, qu’il gagnait déjà sa vie : le violoniste, en effet, s’était fait violoneux ; il courait les fêtes foraines, les assemblées et les noces, et, du haut de son tonneau, il faisait danser les jeunes filles du Bocage. Peut-être étudiait-il, dès cette époque, les nobles poses et les cadences harmonieuses dont le corps féminin s’embellit et s’anime dans les mouvements de la danse.

Un jour vint où l’instinct pictural, qui dormait chez le jeune « ménétrier malgré lui », s’éveilla. Paul s’était lié avec quelques soldats de La Roche-sur-Yon ; il entreprit de crayonner leurs ressemblances. Ses essais réussirent au delà de ses espérances, à ce point que les croquis ayant été exposés dans une salle de la mairie, ils y attirèrent la ville tout entière. Mais parmi ceux qui visitèrent cette exposition de clocher se trouva un certain Sartoris, peintre amateur, qui demeura frappé des dispositions de l’enfant et lui vit une étoile au front.