Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/323

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elle ne reçoit plus personne, et ce n’est pas drôle pour Tcharles Tchapline qui a là vingt des meilleures pièces de son œuvre.


XIII

Le fumoir est au premier étage. On y accède par un escalier d’art, je veux dire tapissé de toiles dûment signées Diaz, Ziem, Daubigny et Chaplin bien entendu. Se pourrait-il qu’il en fût autrement ? C’est ici le Chaplin-house. Elle a dû être son élève. J’en jurerais sur l’étude de fleurs qu’elle a mêlée à ces morceaux de maîtres. La légende veut que ce soit à peindre ce tableau qu’elle ait peu à peu perdu la vue. J’aimerais mieux croire que ce fût à pleurer devant l’autre, la mère et l’enfant, la malheureuse créature de Dieu.

Je note au bas de la rampe une Vénus de Médicis en marbre, grandeur de l’original même de Cléomène à Florence. Elle a acheté cette relique pour quinze louis à un praticien italien dans la débine, et elle s’en vante. — Une occasion ! — Pas pour le praticien ! — Coup d’œil dur.

Pas vilain du tout, ce fumoir, qui est aussi un « rêvoir ». Fumer, rêver, dormir. Le buen-retiro est propice et confortable, avec son divan oriental, son grand Érard incrusté d’ivoire et ses bibliothèques basses où s’alignent des romans américains reliés d’or. C’est ici qu’elle tue le temps qui la tue et que le duel a lieu aux heures lentes. Elle me montre encore quelques tableautins inachevés, qu’elle ne reprendra plus jamais et qu’elle léguera à quelques amis en