Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/125

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même oublié l’accident de cheval prophétique lorsque la guerre franco-allemande éclata et tout fut fini ; adieu brosses et palette. Il fallait songer à vivre sans retourner en Espagne. » Et délibérément il alla offrir au Monde Illustré ses services d’actualiste exercé.

Le directeur de ce périodique était alors Charles Yriarte, écrivain d’art boulevardier, qui sous le pseudonyme de « Marquis de Villemer », emprunté à George Sand, avait publié une série de « Portraits parisiens » de bon style dont le succès fut fort vif dans Le Figaro et ailleurs. Charles Yriarte, quoique né en France, était d’origine madrilène, donc à demi compatriote du dessinateur, et d’ailleurs dessinateur lui-même. Il tomba en arrêt devant les spécimens que Daniel lui soumettait et, séance tenante, il l’enrôla dans la rédaction. Les premières compositions de Vierge, des souvenirs, je crois, de la révolution espagnole, pour fort remarqués qu’ils fussent dans le monde des ateliers, n’en bouleversèrent que davantage la clientèle du journal, accoutumée à l’illustration plate et sans couleur de ses imagiers assermentés. Les bons vieux abonnés, immémorialement contents des incendies, tamponnements, et naufrages clichés, reproduits depuis Louis-Philippe sous des titres nouveaux et qui n’offensent pas l’idée qu’on se fait des cataclysmes, se rebiffèrent presque en masse devant l’originalité de la manière sonore, les beaux effets de noir et blanc, les fins gris argenté, le dessin expressif et les trouvailles pittoresques de ce crayon révolutionnaire dont la gravure sur bois n’arrivait pas à éteindre la flambée. — « Sans Yriarte, j’étais coulé. Ce n’est