Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/277

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campagnes sont magnifiques, des ruisseaux partout, le Rhône, des fleurs, de grands saules d’un vert blanc qui sont d’un effet charmant. Si je puis apporter des graines pour notre jardin, tu verras. Je pense avoir un tas de lettres de vous à la poste, elle ne marche plus, mais voici l’eau qui s’en va, espérons. Je te quitte pour aller par la ville voir un peu le Rhône qui doit être comme une mer. À bientôt. Comme toi j’ai perdu mon voile, un coup de vent l’a emporté je ne sais où. J’espère que tu ne t’ennuies pas trop, mais assez. — P.-S. Nous avons eu la visite de l’Empereur hier.

« Mademoiselle Zoé Gautier, au parc de Montrouge, Montrouge, maison de M. Guillot, Paris, banlieue »

Il va sans dire que je ne prétends pas donner des lettres de nonne de Vert-Vert en voyage pour des modèles de style épistolaire, s’il y a un style épistolaire, ce dont je doute. Mais le léger bruit d’âme en est charmant, et c’est à l’auteur de Cœur Simple que l’on pense en les lisant. La tante Lili mourut paralysée, à Montrouge, le cou encerclé d’un collier attaché à l’espagnolette d’une fenêtre pour lui maintenir la tête qui, comme à Henri Heine, dévalait sur la poitrine. Elle riait, dans ce carcan, et sa sœur, plus qu’à demi folle, nous résumait tout le drame de la maladie et de sa douleur par cette simple constatation :

— Voilà dix-sept jours que la chatte ne mange plus, là, dans son panier, dix-sept jours, dix-sept !…