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Page:Bergerat - Théophile Gautier, 1879, 2e éd.djvu/20

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XII
PRÉFACE.

d’abricots ! En ce milieu de famille, aux paroles tempérées, parfois le débonnaire maître de la maison amusait la table et remplissait les entr’actes de la conversation par de joyeuses pantalonnades, menaçant, avec des courroucements olympiens très drolatiques, de faire estrangouiller et étriper les bonnes à propos d’une sauce tournée ; et cela pendant qu’Estelle se posait à la joue, fabriquée avec n’importe quoi, une mouche, en prenant pour miroir le manche de sa fourchette. Puis l’on passait dans le salon aux murs égayés de lumineuses esquisses, et là les deux fillettes, avec leurs grâces d’Orient, avec un brin de ces êtres de gentillesse, timides et curieux, que repousse doucement la main du rajah de Lahore pour laisser passer le prince Soltikoff, cherchaient à vous enlever à la causerie du père, vous entraînaient vers des coins d’ombre et d’intimité, pour vous faire épeler une page de leur grammaire chinoise, ou vous montrer, avec de petits rires argentins, une Angélique d’après le tableau de M. Ingres, sculptée par Judith dans un navet, — hélas ! se ratatinant tous les jours.