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Page:Bergerat - Théophile Gautier, 1879, 2e éd.djvu/31

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XXIII
PRÉFACE.

on sentait une application, une tension, une dépense de force qui n’existaient pas dans le jaillissement spontané et comme irréfléchi de son verbe d’autrefois. Vous avez vu des vieillards à la vue fatiguée, qui pour regarder, soulèvent avec effort leurs lourdes paupières. Théophile Gautier pour rendre sa pensée avec des mots, avait besoin d’un effort physique semblable de tout le bas du visage, et tout ce qui sortait maintenant de lui de supérieur et de bien dit semblait être arraché par une sorte de violence de l’engourdissement d’un état comateux. Enfin sans que cela puisse bien se définir par des phrases, presque invisiblement descendait sur l’homme, l’enveloppait, touchait à ses attitudes, à ses gestes, à son dire, l’humilité honteuse que donne à une intelligence la conscience cruelle de sa diminution, de sa lente et insensible paralysie.

Je me rappelle un des derniers déjeuners que Théophile Gautier fit hors de chez lui, un déjeuner fait chez moi. On aurait dit la visite d’un somnambule. Et cependant, dans la somnolence de sa marche, de ses poses, de sa pensée,