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Page:Bergerat - Théophile Gautier, 1879, 2e éd.djvu/42

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THÉOPHILE GAUTIER.

souriant avec une amère mélancolie. Il n’était pas malaisé de sentir que l’homme en lui était touché aux sources mêmes de la vie. Depuis ce jour qui me reste béni, je puis dire que je ne l’ai pas quitté d’un jour jusqu’à sa mort. Notre vie devint commune et nous nous aimâmes profondément.

Le Théophile Gautier que je présente dans cet ouvrage est donc celui de cette courte période, très-intime et très-résignée, plus intéressante qu’aucune autre peut-être, en cela que, se sentant mourir, le Maître impeccable parut vouloir formuler sa doctrine. Je m’attends à ce que le public éprouve quelque hésitation à reconnaître en lui l’entité populaire du poëte romantique de la légende. Ses vieux amis, ceux-là du moins qui ne l’ont vu, depuis la guerre, qu’à de longs intervalles, et même qui ne l’ont plus vu du tout, m’accuseront peut-être de l’avoir défiguré au bénéfice d’une préoccupation hâtive de postérité. Il y a loin, en effet, du Théo de 1830 à celui de 1872, et tel qui cherchera dans ce livre l’Albertus ou le Fortunio de sa jeunesse restera sans doute désappointé de n’y trouver que le père de famille essayant de former un jeune homme aux leçons de son expérience et à la lumière de son génie. Il m’appartient moins qu’à personne de décider si dans cette suprême modification de son grand esprit, mon