Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/144

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représentation symbolique : il ne saurait tenir contre le témoignage d’une conscience attentive, qui nous présente le dynamisme interne comme un fait.

Bref, nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste. En vain on allé­guera que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous ; et parce qu’on s’est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d’abstrac­tion, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l’un des deux moi pèse sur l’autre. Le même reproche s’adressera à ceux qui demandent si nous sommes libres de modifier notre caractère. Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. Mais, dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre, que nous nous le sommes approprié. En un mot, si l’on convient d’appeler libre tout acte qui émane du moi, et du moi seulement, l’acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre, car notre moi seul en revendiquera la paternité. La thèse de la liberté se trouverait ainsi vérifiée si l’on consentait à ne chercher cette liberté, que dans un certain caractère de la décision prise, dans l’acte libre en un mot. Mais le déterministe, sentant bien que cette position lui échappe, se réfugie dans le passé ou dans l’avenir. Tantôt il se transporte par la pensée à une période antérieure, et affirme la détermination nécessaire, à ce moment précis, de l’acte futur ; tantôt, supposant par avance l’action accomplie, il prétend qu’elle ne pouvait se produire autrement. Les adversaires du déterminisme n’hésitent pas à