Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/51

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que les proportions du mélange restent les mêmes, la couleur résultante reste la même, bien que le rapport d’intensité des sensations change notablement… Cela tient à ce que la lumière solaire, que nous considérons comme étant le blanc normal, pendant le jour, subit elle-même, quand l’inten­sité lumineuse varie, des modifications analogues de sa nuance[1]. »

Toutefois, si nous jugeons souvent des variations de la source lumineuse par les changements relatifs de teinte des objets qui nous entourent, il n’en est plus ainsi dans les cas simples, où un objet unique, une surface blanche par exemple, passe successivement par différents degrés de luminosité. Nous devons insister tout particulièrement sur ce dernier point. La physique nous parle en effet des degrés d’intensité lumineuse comme de quantités véritables : ne les mesure-t-elle pas au photomètre ? Le psychophysicien va plus loin encore : il prétend que notre œil évalue lui-même les intensités de la lumière. Des expériences ont été tentées par M. Delbœuf[2] d’abord, puis par MM. Lehmann et Neiglick[3], pour établir une formule psychophysique sur la mensuration directe de nos sensations lumineuses. Nous ne contesterons pas les résultats de ces expériences, non plus que la valeur des procédés photo­métriques ; mais tout dépend de l’interprétation qu’on en donne.

Considérez attentivement une feuille de papier éclairée par quatre bougies, par exemple, et faites éteindre successivement une, deux, trois d’entre elles. Vous dites que la surface reste blanche et que son éclat diminue. Vous savez en effet, qu’on vient d’éteindre une bougie ; ou, si vous ne le savez pas, vous avez bien des fois noté un changement

  1. Optique physiologique, trad. fr., p. 423.
  2. Éléments de psychophysique, Paris, 1883.
  3. Voir le compte rendu de ces expériences dans la Revue philosophique, 1887, tome I., page 71 et tome II, page 180.