Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/221

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existe indépendamment de la représentation, c’est prétendre que sous notre représentation de la matière il y a une cause inaccessible de cette représentation, que derrière la perception, qui est de l’actuel, il y a des pouvoirs et des virtualités cachées : enfin c’est affirmer que les divisions et articulations visibles dans notre représentation sont purement relatives à notre manière de percevoir.

Nous ne doutons pas, d’ailleurs, qu’on ne puisse donner des définitions plus profondes des deux tendances réaliste et idéaliste, telles qu’on les retrouve à travers l’histoire de la philosophie. Nous-même, dans un travail antérieur, nous avons pris les mots « réalisme » et « idéalisme » dans un sens assez différent. Nous ne tenons donc nullement aux définitions que nous venons d’énoncer. Elles caractériseraient surtout un idéalisme à la Berkeley et le réalisme qui s’y oppose. Peut-être traduiraient-elles avec une précision suffisante l’idée qu’on se fait couramment des deux tendances, la part de l’idéalisme s’étendant aussi loin que celle du représentable, le réalisme revendiquant ce qui dépasse la représentation. Mais la démonstration que nous allons esquisser est indépendante de toute conception historique du réalisme et de l’idéalisme. À ceux qui contesteraient la généralité de nos deux définitions, nous demanderions de ne voir dans les mots réalisme et idéalisme que des termes conventionnels par lesquels nous désignerons, au cours de la présente étude, deux notations du réel, dont l’une implique la possibilité et l’autre l’impossibilité d’identifier les choses avec la représentation, étalée et articulée dans l’espace, qu’elles offrent à une conscience humaine. Que les deux postulats s’excluent l’un l’autre, qu’il soit illégi-